
L’Histoire D’Hecatone
« Même en fouillant les confins les plus obscurs de ma mémoire, je ne trouve nulle trace du moment de mon éveil. Peut-être est-ce là un mystère commun à tous : nul ne se souvient du jour de sa propre naissance… et pourtant, ne s’agit-il pas d’une énigme plus terrible encore ? Tant de questions demeurent suspendues dans l’abîme, tant de secrets refusent obstinément de se dévoiler.
J’ai marché à travers l’existence en suivant ce que je croyais être la voie juste, portant toujours en moi une quête unique : comprendre pourquoi le monde est monde, pourquoi l’être est, et pourquoi le néant se tait. Mais à présent, alors que l’ombre du néant s’étire sur mes pas, une pensée me ronge plus que toutes les autres.
Si demain je devais m’éteindre, si demain je devais sombrer dans l’oubli sans fond… il n’est qu’une seule réponse que je désirerais ardemment arracher aux ténèbres : ai-je seulement été… un être digne, ou n’étais-je qu’une aberration de plus, parmi les murmures insensés de ce cosmos indifférent ? »
écrivain inconnu, date Inconnue
Vous émergez d’un gouffre de ténèbres, vaseux, comme rejeté par un sommeil qui n’aurait jamais dû finir. Vos yeux s’ouvrent, mais la nuit demeure absolue, lourde, presque matérielle, comme si elle s’était infiltrée dans vos poumons. Chaque inspiration vous étouffe davantage.
Vos doigts, en quête d’un ancrage, rencontrent une lampe à huile. Au simple contact, une onde de frissons parcourt votre chair. Ce n’est pas un objet, c’est un souvenir.
Aussitôt, des éclats déchirés envahissent votre esprit : flammes dévorantes, hurlements indistincts, silhouettes noyées dans le chaos. Et partout… la mort.
Un tremblement convulse vos membres. Vous sentez que votre corps, lui, n’a rien oublié. Une mémoire viscérale s’accroche à votre chair, vous transperce de terreur. Plus vous tentez de saisir ces visions, plus vos nerfs se contractent, comme si une force invisible vous interdisait d’approcher.
Une odeur s’insinue alors, rampante et nauséabonde : la fumée, grasse et suffocante. Puis vient le fer. Le goût métallique s’accroche à votre langue, hésitant entre la rouille et le sang, entre la corrosion et l’hécatombe. Peut-être n’y a-t-il pas de différence. Peut-être les deux ne sont-ils qu’une même essence, inséparable.
Vos entrailles se nouent, votre peau se hérisse. Quelque chose en vous crie d’arrêter, de ne pas remuer les ombres du passé. Vous cédez, mais le malaise persiste, comme une présence tapie dans votre dos.
Dans l’obscurité, votre main agrippe un allume-feu délabré. Vous grattez, encore, encore… Jusqu’à ce qu’une étincelle jaillisse. La flamme éclot, fragile, presque honteuse d’exister dans ce lieu. La lampe s’embrase enfin, répandant une lumière jaunâtre qui déchire un pan de la nuit.
Alors vous levez les yeux, devant vous, l’inconnu se déploie, vaste, insondable. Un chemin s’offre à vous. Allez vous le suivre ?
Mais prenez garde, Car dans les ténèbres derrière vous, quelque chose respire encore. Et cela vous attend.
